Se détacher de l'image de victime : un combat supplémentaire
- marielaureholtgen
- 9 févr.
- 2 min de lecture

Quand on parle de violences conjugales, intra-familiales ou sur le lieu de travail, l'accent est souvent mis sur la difficulté de s'en extraire, de porter plainte, de reconstruire une vie après des mois, parfois des années, d'abus. Mais ce qu'on évoque moins, c'est la difficulté de se détacher de l'image sociale de "victime" qui persiste longtemps après les faits.
Une étiquette qui colle
Dès lors qu'on a parlé, qu'on a témoigné, qu'on a été identifié comme victime, il devient difficile de se défaire de ce rôle. Pour l'entourage, pour les employeurs, pour la société en général, il est tentant de nous réduire à cette partie de notre histoire, comme si notre identité se fondait entièrement sur ce que nous avons subi.
On peut nous regarder avec compassion, parfois avec paternalisme, mais aussi avec méfiance. Certains pensent que nous sommes "fragiles", d'autres nous perçoivent comme un problème potentiel. Il est plus difficile de trouver un emploi, de rebâtir des relations sociales, de convaincre qu'on peut avancer et ne pas être enfermé dans le passé.
Le poids du regard des autres
Le regard des autres peut renforcer un sentiment de piège, d'assignation à résidence dans un statut qu'on voudrait dépasser. Certains proches, bien intentionnés, veulent "prendre soin" en rappelant sans cesse ce qui s'est passé, en nous enfermant dans un rôle de personne à protéger plutôt que de personne à soutenir dans sa résilience. D'autres, au contraire, voudraient qu'on tourne la page trop vite, comme si le traumatisme pouvait être effacé par simple volonté.
Ce paradoxe est d'autant plus fort que, souvent, le système judiciaire et administratif demande aux victimes de répéter leur histoire encore et encore pour obtenir justice ou reconnaissance. Une injonction contradictoire : on doit être victime pour être crédible, mais on doit aussi montrer qu'on est en reconstruction, sans quoi on risque d'être perçu comme trop fragile ou instable.
Reprendre le pouvoir sur son identité
Comment alors se réapproprier son identité ? Il ne s'agit pas de nier ce qu'on a vécu, mais de faire comprendre que nous ne sommes pas définis par ces événements. Travailler sur l'estime de soi, affirmer ses compétences, ses aspirations, et se présenter aux autres comme une personne à part entière et non une victime à perpétuité sont des étapes essentielles.
S'entourer de personnes qui nous voient au-delà de notre passé, qui valorisent nos forces plutôt que nos blessures, est aussi un levier puissant. Et enfin, refuser les discours réducteurs, rappeler à ceux qui nous enferment dans cette image que nous sommes bien plus qu'une expérience traumatisante.
Se libérer des violences, c'est aussi se libérer de l'étiquette qui y est associée. C'est un combat invisible, mais essentiel pour retrouver pleinement sa place dans la société, dans la vie, et surtout, avec soi-même.


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